Mission mai 2016

Aucune mission ne ressemblera à la précédente mais une chose est sûre, c’est que l’hôpital communautaire de Bwindi nous surprendra toujours ! Il y a toujours cette discordance entre le dynamisme exercé pour et lors de notre arrivée et les vieilles habitudes que nous combattons parfois mais qui refusent de mourir.

A l’ordre du jour, quatre projets à mettre en œuvre : la mise en route de la radiologie grâce à la présence de Philippe Besson, ingénieur chez Philips, notre première expérience orthopédique initiée par le Dr Georges Kohut, la proposition détaillée de l’extension du bâtiment opératoire et l’accueil du conteneur envoyé en février.

Nous étions 11 cette fois-ci…nombreux mais avec des tâches bien spécifiques.

Douloureux réveil le jeudi 5 mai, un peu avant 2h00 du matin, alors que tout le monde se réjouit autour de nous d’un jour de congé avec grasse matinée. Nous sommes partis en bus loué pour Genève avec 21 valises, la plupart remplie de matériel électronique et orthopédique, ce dernier fourni en grande partie par la Clinique Générale à Fribourg. Le transit habituel par Amsterdam a permis de faire le plein d’alcool pour nos apéros en fin de journée ( j’avais pris les saucissons mais Kosta a dû compenser sur place l’oubli de 2 kg de fromage à la maison !) et nous sommes arrivés à Entebbe à 22.30 où les douaniers nous ont laissé passer sans sourciller…alors que nous nous sommes armés de documents et de l’accueil du directeur de l’Hôpital pour parer à l’éventualité d’une fouille !

Nous sommes repartis en deux groupes pour l’Hôpital le lendemain, certains en avion et six d’entre nous en voiture pour accompagner les bagages. Ce trajet terrestre a permis aux non-initiés de découvrir le pays, de s’arrêter à l’Equateur et de longer le parc Elisabeth où nous avons eu le bonheur d’observer éléphants, babouins, phacochères, singes, un buffle et même un lion !

La récompense a précédé le travail le premier jour pour Philippe, Marie et Marie-Aude sous forme d’un tracking de gorille….A ne pas manquer !

Le travail a débuté par une reconnaissance des lieux par chacun et l’accueil du conteneur en début d’après-midi du samedi. Comme en 2013, deux cents cartons ont jonché le sol du bâtiment administratif….il a fallu trier, ranger, coller les étiquettes préparées par Kosta et faire le bilan ! Sous prétexte de matériel périmé, nous avons perdu …des speculums, des masques, des gants et des biberons !!!!!!!!!!! Rien de grave en somme et heureusement ! Les lits de bébé, d’enfants, les concentrateurs d’oxygène, deux moniteurs, des chariots, des matelas, draps, couvertures, duvets, un nombre incalculable de boites d’instruments chirurgicaux, etc….ont été répartis dans les unités et dans un endroit de stockage grâce à Kosta, Chantal et Alain…

Pendant ce temps, Georges commençait les consultations préopératoires des patients venus pour cette mission : plus de 70 inscrits…malheureusement peu d’élus compte tenu des conditions opératoires, qui ne permettent pas d’assurer une stérilité irréprochable et de l’impossibilité de soulager les arthroses par des prothèses. Le nombre des fractures négligées, consolidées avec déformation invalidante, d’infections chroniques, de cas de contractures sur brûlure…était impressionnant. L’enrichissement (tout relatif !) des locaux voit aussi les dégâts de la dite civilisation : de plus en plus de jeunes gens possèdent des boda-boda (petites motos ) qu’ils exploitent comme taxis et zigzaguent sur les routes pour éviter les trous, roulent sans moteur en descente ( pour économiser l’essence  )et prennent jusqu’à trois passagers.. qui freinent parfois avec leurs pieds !

Cela faisait des années que nous tentions de contacter Seth et Meg, un couple américain qui vient à Bwindi depuis 7 ans pour pallier aux problèmes orthopédiques. Cette fois, Georges a réussi à établir le contact et une collaboration qui a enfin vu le jour. Seth est spécialisé en chirurgie du membre supérieur. Arrivé deux jours plus tard, il  a participé aux consultations préopératoires avec l’avantage de profiter de l’expérience de Georges. Les deux ont peu opéré ensemble, favorisant l’enseignement du personnel sur place.

Marie et Marie-Aude se sont d’emblée attelées, sous la supervision de Ralph, à remettre un semblant d’ordre dans le bâtiment des salles d’opération : chaque année nous essayons de faciliter le flux du travail et chaque année, tout est retrouvé empilé au petit bonheur la chance. Pour Marie-Aude, il s’agissait de seconder Ralph lors des anesthésies et d’avoir tout le matériel nécessaire à portée de main. Pour Marie, c’était la découverte d’une quantité impressionnante d’instruments opératoires, certains rongés par le Geek (sorte d’eau de javel utilisée tant pour les sols que pour le matériel !)…peu d’outils par contre vraiment utiles pour l’orthopédie. Le défi ici était de leur apprendre à connaitre les instruments utiles et de préparer des plateaux opératoires.

Philippe a disparu dans sa caverne avec le défi de faire fonctionner la machine de radiologie que nous avions amenée en novembre 2013 et qui n’a jamais pu être utilisée malgré diverses interventions. Tous les intervenants ougandais ou kenyans insistaient sur une panne du tube mais Philippe n’était pas convaincu ! Cinq valises de matériel électronique, préparées pendant des mois avant sa venue, n’ont pas empêché le besoin de recourir au bus de Kampala : cinq cartes de relais puis 15 Kg de plomb nous ont été livrés successivement par le bus de nuit….avec une panne qui nous retardé le dernier jour….seulement retardé ! Un miracle de collaboration !

  • Le mardi 10 mai, la machine a craché ses premiers rayons X.
  • Le mercredi 11 mai, Philippe pense que la fluoroscopie pourrait bien fonctionner aussi ! nous avions mis une croix sur cette option !
  • Le jeudi 12 mai, Samuel se fait radiographier le thorax et la hanche…
  • Le vendredi 13 mai, nous avons fait trois hystérosalpingographies en utilisant la fluoroscopie.

S’il fallait entrer dans le détail de la somme énorme de travail que tout cela a généré…avec le personnel local, avec les outils locaux, avec l’impossibilité de se rendre au magasin du coin pour la pièce manquante…………Il n’y aura pas de fin à ma reconnaissance !

 

Rémy est l’électron libre. Il est nulle part et partout à la fois…en visite auprès des malades, en consultation avec les deux volontaires anglaises qui sont internistes, en étude devant des cas incompréhensibles, devant une radiographie, à l’affût des pistes diagnostiques et thérapeutiques ou , malheureusement, souvent, palliatives, au laboratoire et aussi présent aux consultations orthopédiques et en salle d’opération. Il y a abus d’utilisation d’antibiotiques et antalgiques….la solution à tout ! L’équipement du laboratoire est à nouveau à l’ordre du jour. L’appareil d’analyse chimique, dont le laboratoire Risch a été un grand contributeur grâce à M. Egger, fonctionne bien et a permis d’améliorer la prise en charge des patients. La question de la bactériologie se pose à nouveau et  Rémy propose un système moins couteux que la bactériologie courante avec antibiogramme, le PCR, demandant moins de personnel et plus rapide, avec le désavantage de ne pouvoir faire d’étude de résistance aux antibiotiques. Il demande une étude approfondie de la fréquence d’utilisation prévue et des coûts afin qu’une demande d’aide circonstanciée nous soit soumise pour une contribution financière. Il en est de même pour le besoin d’un réfrigérateur plus conséquent pour la banque de sang. Actuellement, le stockage du sang, qui n’est possible que pour 6 semaines, est loin d’être suffisant et nécessite des trajets bimensuels qui coûtent chers, ne suffisent pas à la demande et prolongent inutilement certaines hospitalisations.  Le sang est fourni gratuitement et les donateurs sont tous des volontaires. Enfin la demande d’un appareil pour l’analyse de la glycémie hbca1 (Hémoglobine glyquée) est jugée inutile si ce n’est dangereux car ne s’appliquant pas à des personnes avec des tendances à l’hémolyse (malaria, sphérocytose, thalassémie….), fréquentes en Afrique….

Le jeudi 12, en présence du personnel administratif et de leur ingénieur en bâtiment, Kosta et Alain ont présenté leur projet pour l’extension d’opération et le réaménagement du bâtiment opératoire, extension dont les fonds proviennent de la fondation Michèle Berset. L’exposition de Kosta était exceptionnelle, montrant par étape les travaux à envisager, et le projet  a été rapidement accepté par tous. Il s’agit maintenant de trouver le matériel en Afrique pour éviter de longs trajets et de nouvelles aventures de container. Le délai de cette étude et de l’évaluation des coûts est prévu pour fin juin…Alain et l’ingénieur local, qui parle français – oh bonheur ! –  seront responsables de la planification. Nous aimerions que la construction débute en juillet…..

Et n’oublions pas l’accueil chaleureux qui nous est toujours réservé à Bwindi View où nous avons occupé la totalité du lodge que nous fréquentons depuis des années. Nous y avons invité les deux internistes ainsi que Seth et sa femme et même dégusté un soir un coq au vin préparé par Kosta et Alain !

Le bilan a été très positif finalement même s’il reste tellement à faire dans la formation du personnel, dans l’apprentissage de la maintenance du matériel, dans l’assurance d’une pérennité de certains postes clés (gynécologues, chirurgiens, échographeurs…) et nous avons laissé sur place un échographe débarqué apparemment intact du conteneur mais qui a refusé de fonctionner.

Notre collaboration devrait toucher à sa fin si nous tenons compte du contrat établi avec l’Hôpital il y a cinq ans…mais ce n’est pas possible ! Le progrès constaté depuis la toute première mission, est immense…nous l’oublions souvent, nous sommes impatients et surtout, nous ne sommes pas assez présents sur place ! Il faut absolument que nous préparions deux missions par année au moins…..et sans présidentielles à l’appui, car cet évènement nous a coupé du monde pendant trois jours (blocage de tous les réseaux sociaux !)